La peur

Dr Nesrine Choucri Jeudi 17 Mai 2018-22:35:09 Shéhérazade raconte
Shéhérazade raconte …
Shéhérazade raconte …

Shéhérazade raconte tous les soirs des histoires au roi. Des histoires qu'elle a regroupées du fond de l'Egypte, mais qui sont riches en morale. Aujourd'hui, elle raconte l'histoire de la peur.

Cette histoire se déroule dans un de ses vieux hammams. Les gens pour se laver vont toujours aux hammams. Ces lieux magiques où l’eau chaude et la vapeur détendent les nerfs et calment les esprits. Qui n’irait pas prendre son hammam avant la période des fêtes ou des grands événements ? C’est aussi une occasion pour renaître. Dans ce hammam, il y avait plusieurs salles de bains, et une petite salle qui était juxtaposée à la fournaise. Cette petite salle qui ne menait pas à la fournaise mais qui se trouvait juste à côté était conçue pour réchauffer les nouveaux-arrivants avant de plonger dans le bain.   

Cette salle qui était juste à côté de la fournaise était le lieu favori des ouvriers pendant la saison des grands fours. Toute la chaleur de la fournaise s’y ressentait. Mais, après quelques minutes, on ressentait que le froid qui faisait mal aux os s’est dissipé. Réconforté dans la chaleur de la pièce, on faisait vite par s’y échapper en raison d’une chaleur immense et étouffante.  Après une demi-heure, on oubliait les délices de l’arrivée quand le corps grelottait et qu’il recherchait un refuge à l’abri de tout. La fournaise ne s’éteignait que rarement, on maintenait la flamme nuit et jour. Ceux qui arrivaient pour se laver avant la prière de l’aube pouvaient se laver en toute tranquillité.

Un soir, après avoir clôturé les comptes de la journée, Sami qui était le responsable de la comptabilité dans le hammam a décidé de passer quelques minutes dans la salle de la fournaise comme tout le monde l’appelait. Il cherchait à se réchauffer avant de commencer son chemin vers la maison. Dès qu’il est entré dans la salle, il a posé la tête contre les murs et a fermé les yeux. Dans le silence nocturne, il s’est laissé entraîner par la douce chaleur et s’est endormi. Trente minutes plus tard, il a ouvert les yeux se sentant à moitié assommé et à moitié perdu, il a cherché à ouvrir la porte. En vain. Quelqu’un avait fermé la salle de l’extérieur. Affolé, Sami savait que la prochaine personne qui ouvrirait la pièce ne le ferait qu’après 6 heures au moins. Comment allait-il passer le reste de la nuit dans cette salle si chaude ? se demandait-il. Il commençait déjà à s’étouffer et à transpirer. « Je vais mourir déshydraté! » s’est-il exclamé.

Les perles de sueur commençaient à couvrir son front, puis, sa nuque. Petit à petit, ses lèvres devenaient sèches et il n’arrivait même plus à avaler sa salive. Il a alors sorti un petit bout de papier sur lequel il a écrit : « Je suis en train de mourir seul sans que nul ne s’en rende compte. J’essaye d’ouvrir les portes, mais rien ne s’ouvre et devant cette chaleur, il n’y a aucune issue à part de succomber ». Pour écrire ces mots, il lui a fallu déployer toute l’énergie qu’il lui fallait. Le lendemain, vers 8 heures du matin, les premiers ouvriers sont arrivés. Ils ont d’abord ouvert la salle pour accéder à la salle de la fournaise. En ouvrant la porte, ils ont été totalement surpris de voir le comptable étendu sur le sol. Tout de suite, ils ont essayé de le ranimer. En vain. Les battements de son corps s’étaient arrêtés et sa dépouille était glaciale. On aurait dit que ce n’est pas un cadavre, mais un glaçon.

Un ouvrier a trouvé alors la petite note que le comptable avait écrite dans sa détresse. Il est resté bouche bée, il n’en croyait pas ses yeux. La fournaise ne fonctionnait jamais le dernier jour du mois, on l’éteignait pour la nettoyer. La pièce n’était pas chaude, il n’y avait aucune raison pour mourir de chaleur. Ce n’est donc pas la chaleur qui l’avait tué, mais plutôt la peur. LA PEUR alimentée par des chimères. La peur est l’ennemi qui vainc l’être humain quand il oublie que sa voix peut être entendue même dans la solitude et l’obscurité de la nuit.  

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